14 mai 2024

La Dordogne Unie

Mémoire, Résistance et Citoyenneté

A loccasion de la commémoration du 80ème anniversaire de la Libération, le Département a décidé de proposer un programme de conférences, dexpositions, de diffusion de films, dactions culturelles et éducatives, pour rappeler 80 ans après, toute limportance du combat de la Résistance contre l’envahisseur nazi et la collaboration. Cet ensemble dactions mémorielles fait dautant plus sens dans le contexte actuel, tant sur le plan international que national, que notre société apparaît de plus en plus fracturée, fragilisée, face aux menaces grandissantes des montées extrémistes et révisionnistes.

Echanges avec Jacques Ranoux, délégué à la Mémoire et la citoyenneté, sur la genèse et la mise en œuvre de ce projet qui sappuie sur les thèmes de la Mémoire, de la Résistance et de la Citoyenneté.

Doù vient lidée de cette programmation mémorielle départementale ?

Terre d’accueil et terre historique de résistance, la Dordogne a payé un très lourd tribu en vies humaines : fusillés, déportés, exécutions sommaires, mais également en destructions de villages, d’habitations, de bâtiments publics. La Dordogne est le deuxième département de France le plus touché par la répression nazie, les milices de Vichy et la collaboration.

Il était important au niveau départemental, de rendre un  hommage vibrant à  toutes les victimes des combats de la libération, à la hauteur de leur sacrifice, mais aussi de  transmettre aux jeunes générations les valeurs et les aspirations portées par la Résistance. Raconter, montrer, mais aussi passer un témoignage vivant et généreux, de ce que fut le sens de l’engagement de ces jeunes femmes et de ces jeunes hommes, qui au risque de leur vie, ont dit non à la capitulation, non à l’inacceptable, non à l’idéologie nazie, non à la collaboration. Ils portaient au-delà des combats contre l’envahisseur, une véritable aspiration pour un avenir meilleur, plus juste, plus équitable, plus solidaire à l’échelle de l’humanité. Ce fut cette aspiration qui au cœur des heures sombres de la clandestinité, porta pour l’après-guerre, les fondements du CNR et du programme des jours heureux.

Pourquoi y avezvous inclus le thème de la citoyenneté ?

Pour moi, tout est lié. Je voulais partir du travail de mémoire parce que nous n’avons plus de « passeurs de mémoire » directs, nos anciens nous ayant quittés. Fils de résistants, j’ai eu la chance de côtoyer ces passeurs, d’échanger avec eux. La mémoire historique doit rejoindre la mémoire collective. Il ne faut pas oublier : ni les faits, ni le sens.

La nouvelle génération n’a plus, me semble-t-il, de modèles d’explication du monde si ce n’est celui du repli sur soi, elle est par ailleurs confrontée aux clair obscurs des réseaux sociaux, où se cachent en embuscade les falsificateurs de l’histoire, les révisionnistes. A tel point qu’il apparaît pour beaucoup, plus facile de croire que de chercher à comprendre.

Or, cette question de la transmission est désormais fondamentale, transmettre l’histoire et les fondements de la résistance est important parce que cela  nous raconte quelque chose sur notre histoire, sur nos engagements, sur notre présent et sur notre avenir. Il faut donc la cerner et la comprendre.

Donc la démarche a été engagée autour du triptyque « Mémoire-Résistance-Citoyenneté » ?

Oui, c’est par ce triptyque composé de ces trois valeurs symboliques interdépendantes et transversales aux grandes étapes de notre démocratie, que nous engageons notre démarche, tant elles sont à nos yeux indissociables. Il s’agit pour nous d’accompagner la mise en œuvre d’un processus pédagogique qui associe les jeunes, au cœur d’une prise de conscience et d’un engagement déterminant pour leur avenir.

La question de la Mémoire est récurrente à nos valeurs, car elle tisse un lien vivant avec les grands moments de l’histoire de notre République. La question de résistance s’inscrit dans cette capacité à s’indigner chère à Stéphane Hessel, de dire non devant l’inacceptable. Ces deux notions mémoire et résistance, nous amènent à cette question si importante, du « au nom de quoi » je m’engage et du bien commun citoyen.

Cette notion de citoyenneté est dans notre démarche indissociable de ces notions de mémoire et de résistance, on ne peut donc pas, pour ce qui me concerne, les dissocier.

La Nation française est régie par un régime républicain qui confère la qualité de citoyen. En conséquence, les valeurs constitutionnelles de la République sont à transmettre aux jeunes, à nourrir par l’exercice constant de la citoyenneté. La citoyenneté implique des droits et des devoirs individuels au sein d’une société qui unit les hommes entre eux, au-delà du temps. C’est un trait d’union entre les générations passées et présentes, entre celles qui se sont battues pour les droits civiques et sociaux, pour la liberté et celles des jeunes générations qui auront à relever les grands défis d’avenir auxquels sont confrontés aujourd’hui nos démocraties.…

On doit reconnaître aux premières, une légitime reconnaissance. C’est cela aussi le devoir de mémoire.

A l’heure où certains essaient de nous diviser, Germinal Peiro et moi, trouvions essentiel de rappeler tout cela. Les nouveaux citoyens viennent d’horizons différents, mais vivent ensemble sur un même territoire, un territoire qui a un passé, une histoire, qui ne peut pas être ignorée. Ce passé nous unit, c’est notre bien commun.

Présentation de la programmation du 80e anniversaire de la Libération de la Dordogne
Présentation de la programmation du 80e anniversaire de la Libération de la Dordogne

Ce projet va donc bien au-delà dun programme pour la commémoration du 80ème anniversaire de la Libération ?

C’est un projet qui s’appuie sur cet anniversaire avec une programmation sur 2024 et 2025, mais qui est avant tout un travail sur le long terme. Au-delà des éléments rationnels ou tangibles, je crois que la transmission se fait également par l’émotion. Cela est d’autant plus nécessaire quand le passé s’éloigne. Lorsque les témoins disparaissent, le recours aux témoignages au travers des archives écrites, sonores et visuelles, s’impose. Les images qui parlent tout particulièrement aux nouvelles générations permettent de susciter l’attention comme l’émotion des jeunes sur des phénomènes éloignés d’eux et complexes à saisir. Dans la société, au travers des médias, dans le monde scolaire comme dans les familles, plus on discutera de ces événements, plus on en transmettra la mémoire à ces jeunes, toujours demandeurs de débats et de clés de compréhension.

Un des enjeux majeurs de la mémoire collective est de combattre l’indifférence et le vide mémoriel, le vide intellectuel et moral. Il est essentiel de donner aux jeunes l’envie d’apprendre, et de ne pas forcément ancrer toutes les approches pédagogiques de façon linéaire et chronologique, mais de confronter les histoires plurielles avec leurs incohérences et les possibilités de débat, afin de susciter un sens critique et d’analyse chez le jeune.

Le but ultime est de revaloriser la place des plus jeunes tout autant que celle des aînés. Ce qui est en jeu, c’est la construction d’une société plus empathique et bienveillante à l’égard de tous.

Quels sujets seront traités à travers les événements programmés ?

Ce seront des thèmes transversaux pour comprendre et aborder la Résistance en Dordogne, en résonance avec ses prolongements actuels. La Dordogne fut aussi une terre de Résistance, car elle était un territoire rural propice à la guérilla de par sa géographie, ses composantes sociales et économiques, son histoire.

On abordera notamment l’arrivée en masse des population Alsaciennes et Lorraines, mais aussi la venue des républicains espagnols, des italiens, des polonais, ou encore la diversité des engagements, les multiples soutiens anonymes à la Résistance, les différents réseaux, leur évolution depuis fin 42 jusqu’à la libération de la Dordogne, l’école des cadres de la Résistance, les portraits de Résistants, les faits et actions marquants de la Résistance, la vie dans les maquis, les actions de guérilla, de sabotage, le STO (le service du travail obligatoire), la vie quotidienne des Périgourdins, le rationnement, l’école, les déplacements, la collaboration, la propagande de Vichy, la ligne de démarcation, la répression allemande, le débarquement…mais cette liste est loin d’être exhaustive.

Cette programmation est issue dun travail collectif ?

Oui, c’était essentiel. C’est un projet créé et porté collectivement.

Nous travaillons avec des élus, des collectivités, les services du Département (notamment les Archives départementales), des historiens, des partenaires associatifs (dont les associations d’ancien combattants), les services de l’Education nationale sur le territoire, des professeurs, des sociologues, des techniciens, des artistes…

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