L’année 2023 est à peine entamée qu’elle connaît déjà ce qui restera comme un évènement majeur : les premières Assises départementales de la Forêt en Dordogne.
« La forêt, c’est nous. » – Germinal Peiro
Alors même qu’il ne s’agit pas d’une compétence du Conseil départemental de la Dordogne, Germinal Peiro décide d’aller au-delà des considérations technocratiques et de réunir les différents utilisateurs de la forêt. L’affaire n’est pas mince car, en Dordogne, les utilisateurs de la forêt c’est nous tous. Les promeneurs, les sportifs, les randonneurs, les chasseurs, les professionnels du bois, les défenseurs de la biodiversité, les associations de protection des espèces animales, les adultes, les enfants. Nous tous. En 2022, la grêle et le feu ramènent l’Homme à sa petitesse face aux éléments. Le dérèglement climatique montre les crocs, certaines associations de défense de l’environnement font de même et pointent du doigt le Département, notamment sur la question des essences de bois et de la gestion de la forêt. Chacun voulant faire de sa vérité la seule version valable, l’idée des Assises départementales de la Forêt en Dordogne naît. Elle s’est concrétisée le jeudi 2 février 2023.
« Écoute attentive et participation respectueuse de chacun. »
Sur la scène du théâtre de l’Odyssée à Périgueux, le décor est planté, dans tous les sens du terme. De la végétation, du bois, des nichoirs, des tables et des fauteuils fabriqués par les agents du Département, avec du bois de Dordogne, évidemment. Les échanges entre les intervenants et le public s’articulent autour de quatre tables rondes ayant chacune leur propre thématique mais également un point commun : l’écoute. S’il n’y avait qu’une chose à retenir de ces premières Assises départementales de la Forêt, et ce n’est pas le cas, ce serait l’écoute attentive et la participation respectueuse de chacun. Les associations de protection de la forêt, les scieries et autres entreprises du secteur bois, les techniciens forestiers, les élus, le public, toutes et tous ont pu exprimer un point de vue et le confronter à celui des autres. Toutes et tous ou presque, car nous étions nombreux, environ 600 personnes. La veille, ce sont 120 personnes qui étaient présentes pour écouter et participer à la conférence magistrale de Daniel Perron, grand témoin de cet évènement. Historien du droit, Daniel Perron évoque l’histoire de la forêt depuis le Vème siècle au travers des différentes politiques qui l’ont régie. Son discours est précis, documenté, parfaitement équilibré entre éléments factuels et vision personnelle.
« La démocratie, c’est perdre un peu. » – Daniel Perron
Les échanges ont été si riches qu’il paraît vain de tenter de les résumer ici. Toutefois, de nombreuses valeurs ont été mises en évidence au fil des discussions. Cette première édition des Assises départementales de la Forêt en Dordogne a été un exemple d’exercice démocratique. Chacun a pu parler, écouter, argumenter, contredire, apprendre de l’autre et finalement, peut-être, revoir ou modérer son opinion. On retient cette citation de Daniel Perron : “ la démocratie, c’est perdre un peu ”. Pour les participants présents, cela signifie qu’il faut accepter de ne pas détenir toute la vérité et admettre qu’ensemble, on va plus loin. Plus loin ne signifie pas plus vite. Christelle Boucaud évoque cette société de l’immédiateté et de la réaction que nous alimentons nous-mêmes au quotidien, ce temps que l’on ne prend plus pour échanger et co-construire. Ce temps qui permet souvent de comprendre que l’on sait bien moins que ce que l’on imaginait, et cela grâce aux autres. Ces Assises départementales de la Forêt ont démontré que c’était encore possible, qui plus est sur un sujet majeur tel que celui-ci. Cette “démocratie en marche”, telle que l’a nommée Daniel Perron de manière taquine, reste l’acte fondateur qui a permis de poser la première pierre de l’édifice.
« L’arbre ne cache plus la forêt. »
Lors de la session des Orientations Budgétaires 2023, Germinal Peiro a rappelé que la position du Conseil départemental de la Dordogne est une position d’équilibre entre tous les utilisateurs de la forêt. Les problèmes ne sont pas réglés à l’issue de cette journée, certains intervenants ne partiront probablement pas en vacances ensemble cette année. L’essentiel est ailleurs. Des choses devaient être dites, elles l’ont été. Il faut désormais consolider ce coup d’essai, aussi réussi soit-il, en commençant par communiquer objectivement sur ce qu’il se passe en forêt. Les maires doivent être informés aussi bien des travaux forestiers que des évènements de loisirs. Une coordination avec les activités de chasse est également indispensable. Par ailleurs, le feu est un ennemi de plus en plus présent pour la forêt, qu’il survienne à la suite de comportements inconscients, criminels ou liés au dérèglement climatique. Les services départementaux d’incendie et de secours doivent être associés à davantage de réflexions lors d’aménagements à proximité ou au cœur même des bois. Le Conseil départemental de la Dordogne n’a pas plus la compétence forêt aujourd’hui qu’hier. La forêt reste détenue par 99% de propriétaires privés. En revanche, par la voix de son Président, le Département a fait le premier pas en imaginant que la forêt, même privée, pouvait être un bien commun. Le succès de ces Assises départementales semble garantir que, désormais, l’arbre ne cache plus la forêt.