4 janvier 2023

La Dordogne Unie

Rencontres de l’insertion

Entretien avec Mireille Volpato, Vice-présidente chargée de la solidarité, de l’enfance, de la famille, de l’insertion, de l’économie sociale et solidaire, à l’issue des rencontres de l’insertion à Périgueux, le 13 décembre 2022.

Pourquoi avoir organisé ces rencontres sur l’insertion ?

Il y a longtemps qu’il n’y avait pas eu de rencontres de l’ensemble des acteurs de l’insertion et il nous semblait important de nous retrouver. Nous souhaitions pouvoir réfléchir tous ensemble, échanger et tracer des pistes, des perspectives, à l’aune de ce qu’est le monde aujourd’hui… et aussi de celui que nous souhaiterions qu’il soit. 

L’objectif de ces Rencontres est de lancer une construction participative de notre Programme Départemental d’Insertion (nos orientations en matière d’insertion), et du Pacte Territorial pour l’Insertion (les actions déclinées avec nos partenaires) qui sont arrivés à échéance. D’autres rencontres, en 2023 enrichiront et affineront les perspectives ainsi que les priorités départementales et partenariales qui seront ensuite proposées à l’Assemblée en cours d’année.

Cette élaboration de notre nouveau PDI-PTI est l’occasion d’évaluer, de questionner notre action, nos différents dispositifs, de nous réinterroger face à l’évolution de la société, face aux nouveaux besoins des personnes et ceux de notre territoire, face au contexte national (notamment législatif), aussi en prenant exemple de réponses d’autres départements…afin de mieux accompagner les personnes vers une activité durable et une vie sociale épanouissante. 

L’insertion est une mission essentielle que le Conseil départemental exerce pleinement depuis la décentralisation, à la fois par la gestion du RSA mais aussi par l’accompagnement des allocataires et plus largement, par toutes les politiques qui ont trait à la Solidarité.  La question de l’insertion ne se réduit pas, contrairement à ce que certains peuvent dire, au fait de traverser la rue pour trouver un emploi. L’insertion est à envisager de façon bien plus large et plus globale que l’accès direct à l’emploi.  

La multiplicité des difficultés des personnes et celles du contexte économique et social, nécessite que nous ayons un regard large, global, qui ne me semble pas être la manière dont les choses sont appréciées au niveau national. Par exemple, la question de la conditionnalité du RSA ne me semble pas être une bonne réponse au chômage.  

L’insertion nécessite un accompagnement (le sujet de cette première rencontre) et des accompagnements spécifiques qui relèvent, par exemple, des modes de garde, des sujets de mobilité, de logement, de formation, d’accès aux droits, à la santé, de la lutte contre l’isolement… ainsi que l’implication de tous les acteurs : le monde économique bien sûr, le monde social naturellement, mais aussi le monde culturel, le monde sportif… et surtout l’implication des usagers eux-mêmes. 

Quelle est la situation sociale aujourd’hui en Dordogne ? Comment s’explique-t-elle ?

Nous vivons une situation sociale difficile, lourde, anxiogène qui annonce de fortes difficultés sociales. La conjoncture économique, avec l’inflation, l’augmentation du coût de l’énergie, du carburant, pèse et va énormément peser sur nos concitoyens et touche plus rapidement, plus fortement et plus durablement les plus vulnérables, notamment dans notre département rural. De même, que les difficultés d’accès aux soins ainsi que celles de l’hôpital public. 

Cela doit nous inciter à ne pas baisser les bras mais à continuer à agir et à mettre le sujet de l’urgence sociale au cœur de notre action départementale (en lien avec l’urgence climatique, écologique et l’urgence énergétique).

Nous sommes aussi dans une situation de sortie de la crise aigüe du COVID avec les conséquences sanitaires et psychiques qu’elle a provoquée, avec des changements de comportements, notamment vis-à-vis du travail ou de la vie sociale.  On constate une perte générale de repères, un sentiment d’abandon, ayant entrainé un repli sur soi qui débouche souvent sur un climat de peur, de défiance voire de violence et qui traverse tout le corps social. 

Nous sommes dans une situation où doit être posée la question du travail, moyen incontournable pour l’inclusion des individus. Notre économie produit de plus en plus de travailleurs pauvres, dont les revenus du travail sont insuffisants pour pouvoir en vivre correctement (25 % des ARSA travaillent et nous constatons en Dordogne, une augmentation d’agriculteurs et de micro-entrepreneurs au RSA). Elle produit aussi une fragilité de plus en plus grande des contrats de travail qui risque d’être renforcée par les dernières réformes, notamment celle de l’assurance chômage avec la non prise en compte des contrats courts, avec la réduction forte des indemnités ainsi que celle de la conditionnalité du RSA (avec la contrepartie obligatoire d’heures d’activité ou de travail pour percevoir l’allocation).

Nous sommes, en Dordogne aussi, affectés par les difficultés de recrutements dans certains secteurs d’activité (social, hôtellerie, restauration, bâtiment…) ou par les difficultés économiques, énergétiques ou sanitaires des TPE, des artisans, des agriculteurs, des éleveurs ou bien par la disparition de pans entiers des services publics tels les trésoreries…

La situation actuelle est préoccupante car nous sommes confrontés à une fragilité et à une précarité de plus en plus grande des personnes, que ce soient les familles monoparentales, les allocataires au RSA de longue durée ou ceux avec des problématiques de santé importantes…

Un autre sujet fort de préoccupation, c’est l’accès aux droits sociaux des publics fragiles (30 % des personnes qui auraient droit à des aides n’y recourent pas) et plus particulièrement les difficultés d’accès aux droits, dans le cadre de la dématérialisation des aides « à marche forcée » et qui provoque une défiance forte envers les institutions et les Services Publics. 

Autre situation à prendre en compte : la nécessité pour nous, collectivité, de pouvoir disposer de moyens qui nous permettent de produire un véritable Service Public sur toutes les compétences qui sont les nôtres, et notamment sur celles du RSA (21 millions d’euros cette année non compensés par l’Etat). 

Enfin, nous sommes dans un climat de défiance envers les pauvres, les « cas socs », boucs émissaires du mal être du pays. Le manque de reconnaissance envers les personnes précarisées, les préjugés et la stigmatisation facile sont des éléments importants de la situation sociale et politique.  

Nous avons à affronter la réalité de la vie telle qu’elle est vécue par celles et ceux qu’elle frappe au cœur, et devons affirmer la réalité des responsabilités. Nous ne pouvons cautionner ni être dans des politiques d’insertion et de Solidarité qui mettraient l’essentiel de leur discours et de leur action sur la responsabilité individuelle des personnes. Personnes qui sont souvent prises dans des difficultés tellement grandes, que l’on peut dire que la responsabilité individuelle dans leur situation, c’est totalement disproportionné ou vraiment indécent !

La solidarité, compétence du Département, est souvent vue comme un coût excessif. Comment changer ce regard ?

D’abord redire que la Solidarité n’est ni la charité ni l’altruisme. La Solidarité est une valeur sociale fondamentale et le lien fraternel qui unit tous les êtres humains les uns aux autres. Les problèmes rencontrés par l’un ou plusieurs de ses membres concernent l’ensemble du groupe. La Solidarité est essentiellement une valeur de gauche et une question politique fondée sur l’égalité, la justice sociale, l’inclusion.

Les politiques de Solidarité mises en œuvre par le Département participent fortement et intrinsèquement à la lutte contre les inégalités en redistribuant les richesses de façon plus équitable et en proposant un niveau de service public le plus élevé possible au plus grand nombre. Elles sont le rempart indispensable à la pauvreté.

Leur rôle a été d’autant plus réaffirmé avec les différentes crises économiques, sociales, sanitaires, qui ont dégradé la situation de nombre de privés d’emploi, de travailleurs précaires, de familles et fragilisé le tissu économique et social. 

 Dans un contexte de politiques néolibérales de réduction des déficits et des dépenses publiques ainsi que de baisse des dotations aux collectivités, le Département de la Dordogne a fait le choix, pour assurer ses missions de solidarité humaine, d’y affecter des fonds de plus en plus importants, au détriment parfois d’autres missions importantes. Dans le contexte des inégalités croissantes, le renforcement de la Solidarité face aux besoins est indispensable et nécessite des moyens financiers qui peuvent paraître excessifs pour certains acteurs politiques ou économiques, à droite et extrême droite de l’échiquier, qui dénoncent

« l’assistanat » démesuré et le « pognon de dingue » consacré aux pauvres et aux personnes percevant des minima sociaux.

En fait, posons la question différemment : comment concevoir la Solidarité et le social, non pas seulement comme un instrument réparateur des problèmes sociaux et économiques, non pas comme un coût excessif mais comme un investissement social, un atout et un moteur de développement pour notre société et notre territoire ?

Je pense qu’en tant que politiques, il faut oser. Oser expérimenter, oser créer de nouveaux partenariats et horizons, en s’accordant le droit d’essayer et de réajuster en prise avec les évolutions locales et sociétales. 

Nous pouvons par notre intelligence collective, par nos engagements, trouver ou retrouver du sens, faire naître ou renaitre élan et dynamique, penser des réponses nouvelles, des politiques plus larges, une Economie qui soit plus Sociale, plus Solidaire et continuer à déployer en Dordogne une action en faveur d’un développement humain, social et économique plus efficace et surtout plus juste.

Pour rappel

Coup d’oeil sur diverses aides, en France, par an : 

  • Aides publiques aux entreprises : 140 milliards d’euros 
  • Aides et prestations sociales aux personnes (hors retraites et santé) : 138 milliards d’euros
  • Aides sociales non demandées : 10 milliards d’euros
  • Total allocations chômage en 2019 : 45 milliards d’euros, 
  • Allègement du « coût » du travail : 75 milliards d’euros (bénéficie essentiellement aux entreprises privées) 

Dit-on des bénéficiaires de ces dispositifs qu’ils sont des « assistés » ? – Mireille Volpato

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